C’est possible. C’est même nécessaire en fait ! Je vous entends déjà hurler au scandale à la lecture de ce titre clickbait. Je vous imagine vous faire une image de moi comme d’un charlatan du web, un pseudo-professionnel qui ne cherche qu’à faire du profit… Inférence ou pas, allez, je suis bon joueur, j’endosse cette image l’espace d’un moment, mais n’en restez pas là, lisez quand même la suite de l’article.
Cette expression… et les autres
Quand ce n’est pas “à la tête”, on dit “à la gueule”, ou “à la tronche”, ce qui commence bien entendu à être vulgaire je vous l’accorde. Mais il est également possible de parler de la taille de son porte-monnaie… Oui, je suis d’accord avec vous, ça n’arrange absolument pas mon image, mais vous avez probablement déjà entendu ces expressions plutôt péjoratives.
C’est d’autant plus gênant que vous avez certainement un jour pris la place du client en vous retrouvant dans cette position où vous avez eu l’intime impression d’une tarification peu justifiée, voire de vous faire arnaquer, sans pour autant avoir la légitimité pour réagir.
Cette impression est naturelle lorsque le tarif pratiqué n’est ou ne vous semble pas justifié, et c’est exactement de cela que je souhaite vous parler. Vous verrez ensuite qu’il est tout à fait faisable, et même justifié, de facturer à la tête du client, dans certains domaines.
L’opacité des devis/factures
J’écrivais il y a peu de temps de cela un billet sur la transparence au sein de certains types d’entreprises françaises intitulé “Le premier qui donne un prix a perdu !”. Je vous invite à le lire, il pourrait vous intéresser également.
Dans ce billet, je parle notamment des avantages de la transparence dans les relations entre collaborateurs, mais également entre le prestataire et son client.
Un client qui n’a qu’une connaissance partielle de votre domaine d’activité et qui fait appel à vos services n’est certainement pas en attente uniquement d’un devis, mais également de conseils et d’informations sur les actions que vous allez entreprendre pour mener à bien le projet qu’il vous confie.
Envoyez-lui un simple devis avec un dizaine de lignes composées de trois phrases et ponctuées par un tarif et vous êtes certains de lui proposer la réponse la plus obscure possible à sa requête. Cette opacité va le mener dans une réflexion qui va commencer par les questions : qu’est-ce qu’il me propose ? Ai-je besoin de tout cela ? Devrais-je comparer avec un autre prestataire pour me rassurer d’un deuxième avis ?
C’est un peu les mêmes questions que je me pose quand je vais voir un garagiste pour mon véhicule (je n’en ai plus, ouf !). N’ayant quasi aucune connaissance technique, je m’attends à un accompagnement, à des questions sur l’usage de mon véhicule et à des informations précises sur les opérations à effectuer. Puis un devis. Si je n’ai pas tout ça, je vais avoir peur de me retrouver avec une facture dépendante de la gamme de mon véhicule, ou de ma gueule… On est d’accord que peu de garagistes font ça, imaginez votre réaction le jour où vous obtenez tout cela de la part d’un professionnel. Vous signez ? Non ?
Vous l’aurez compris, l’opacité n’est pas votre amie ici. Elle crée ces sentiments d’insécurité et de doute provoqués par l’inconnu.
De l’information naît la confiance
Avec le temps j’ai appris à répondre très en détail à mes clients ou mes prospects afin de les mettre en confiance. Il s’agit même bien plus que de simple confiance, il s’agit de professionnalisme et d’accompagnement.
En effet, en échangeant avec votre client, vous allez échanger dans des termes qui n’ont probablement pas la même définition au départ. Discuter avant ou autour de votre devis, à propos du projet ou de vos compétences permettent de qualifier ce client. Votre client sera plus à même de comprendre et d’enrichir les échanges futurs que vous aurez avec lui.
Les détails apportés à vos échanges et votre devis permettent également d’éduquer (au sens large) votre client : certains sont même parfois très curieux d’en savoir davantage sur votre métier et sur ce que vous allez produire comme travail. Passer un peu de temps à leur expliquer les tenants et aboutissants permet ensuite de gagner un temps fou, puisque le client peut alors devenir raisonnable dans ces demandes. Il finit par porter des réflexions pour lui même avant de poser des questions, et peut même proposer des améliorations cohérentes tout en comprenant les tarifs pratiqués et en envisageant les dépenses à venir.
Je digresse un peu sur la confiance et le dialogue, mais c’est en fait tout l’objet de cet article : justifier de plusieurs tarifs, rester cohérent et transparent, parce que vos clients peuvent aussi très bien discuter entre eux et faire naître de nouveaux besoins. ;p
De la différence des projets
Ce n’est certainement pas moi qui vais vous apprendre que tous les projets web ne se ressemblent pas. Les différences entre ces projets peuvent venir de tellement d’aspects différents qu’il serait difficile de tous les citer : activité professionnelle, objectif du site web, budget du client, nature du client, risques inhérents au projet, etc. Ces différences parfois infimes et parfois flagrantes entre deux projets peuvent vous demander des efforts bien plus nombreux que ce que vous ne pourriez imaginer.
L’habit fait le moine…
Bien sûr que c’est le cas. Cela ne va pas vous changer radicalement de l’intérieur, mais dans notre domaine nous sommes amenés à jouer les caméléons. S’adapter à votre client devient crucial afin de faciliter les interactions sociales positives, l’empathie et le désir.
Parler le langage du client dans un milieu où la moindre erreur peut être jugée comme une défaillance de votre part va vous demander une attention de tous les instants. Je parle du langage dans un sens bien large : votre tenue vestimentaire pendant des réunions, votre manière de parler et les mots précis utilisés, votre écrit, vos gestes…
Je vous laisse lire le principe du Neurone miroir pour comprendre cet aspect qui touche beaucoup à la cognition sociale.
Quoi qu’il en soit, cet effort social peut paraître anodin pour certains, mais implique en fait un réel investissement personnel et professionnel. Comme tout investissement, il faut l’amortir.
Un projet. Des compétences variées.
Cela vous est au moins arrivé une fois : accepter de faire une tâche que vous n’aimez pas forcément, que vous savez faire malgré tout, pour vous permettre de travailler sur l’ensemble d’un projet web qui vous fait plaisir. En tant que freelance ça peut arriver assez régulièrement, c’est normalement moins le cas en agence web. (à moins que vous ne représentiez plusieurs profils à vous seul, ce qui peut arriver aussi…)
Je ne sais pas pour vous, mais moi quand on me demande de faire un truc que je n’aime pas (heureusement c’est rare), j’ai tendance à ajouter des points dans la case “pénibilité” de mon tableau de tarifs.
Comment ça vous n’avez pas de case pénibilité ? Pardon ? C’est le tableau de tarifs que vous n’avez pas ?
Hum… Il faut qu’on parle !
Informations du client & risques
À partir des informations fournies par votre client, la facilité des échanges que vous avez avec lui, ainsi que la difficulté de la mission et son impact sur son entreprise ou sa marque, il vous est possible de définir ce que j’appelle des facteurs de risque pour le projet.
Un projet dit “risqué” va vous demander beaucoup plus d’attention et de ressources qu’un projet aux risques moins élevés. Pour une entreprise, lorsqu’il s’agit de placer des ressources sur un projet, voire de l’exclusivité pour un client, un phénomène étrange apparaît : le stress. Le stress de dépendre entièrement d’un client pour son ou ses prochains mois de revenu.
Ce risque doit être mesuré et amoindrit le plus tôt possible. Pour moi le plus tôt c’est au moment même où vous commencez à chiffrer les besoins de votre client. C’est le moment où vous allez devoir vous référer à votre grille de tarifs sur laquelle vous reporterez les critères qui selon vous peuvent faire évoluer dans un sens ou dans l’autre les risques pour ce projet.
Des tarifs suivant les têtes
C’est là que nous en venons à l’idée des têtes, qui ne sont en fait pas des têtes mais des critères, des facteurs qui peuvent faire varier l’appréhension d’un projet d’une manière ou d’une autre.
Distinction des critères
J’en parlais juste avant en vous les présentant plus verbeusement. Pour moi il y a quelques critères qui rentrent en ligne de compte dans le calcul des “risques”.
- La pénibilité
Rentrent dans ce critère : le type de tâche (est-ce que j’aime faire ça ?), la facilité d’échange avec le client (son niveau de compréhension et de confiance), l’accord avec votre philosophie de vie. - La finalité
La marque du client (sa présence dans l’esprit des gens), l’importance du projet dans la vie de la marque/entreprise (son impact éventuel sur son chiffre d’affaire), le nombre de destinataires potentiels. (même chose) - La disponibilité
Au début j’avais ce critère en sous élément de la pénibilité, mais au final je me suis rendu compte qu’un ensemble de choses pouvait graviter autour de ce concept : la disponibilité du contact principal côté client (rapide à répondre, concentré sur son travail), le besoin en disponibilité pour ce projet (dois-je être exclusif, ultra-réactif, ou est-ce plus relax ?), l’urgence (dois-je tout lâcher pour ce projet ?).
À partir de ces trois critères, les “risques” sont définis, et la “tête” de mon projet apparaît, c’est alors que je peux facturer à la gueule de mon client.
Exemple de tableau de prix
Je n’ai aucun problème à vous dire, là, tout de suite, que je peux facturer entre 350 € et 900 € HT par jour suivant les facteurs que j’ai cité plus haut. Pour vous donner un exemple allégé de mes critères –qui je le répète restent mes critères– voici en image un calculateur avec un curseur dans chaque critère pour vous donner un indice. D’après cet indice et un calcul relativement simple suivant la valeur initiale de votre tarif-jour moyen (calculé suivant vos besoins pour “survivre”), un tarif revisité vous est proposé.
Je l’ai appelé le PoP Pricing (Pain or Pleasure Pricing), juste parce que je voulais lui donner un nom :p
Ne cherchez pas à reproduire précisément ce modèle. Si la méthode vous intéresse, je vous invite à construire un système se basant sur vos critères personnels et sur un calcul que vous affinerez au fur et à mesure de votre expérience personnelle.
Ce que je n’ai pas dit
Si vous suivez mon raisonnement, je ne vous ai jamais dit, pour prendre des exemples concrets, qu’il fallait forcément augmenter vos tarifs pour travailler avec Dior, MontBlanc ou Les Galeries Lafayette (si votre philosophie de vie vous le permet) et les diminuer pour le site web de votre cousin, le boulanger du coin ou l’association dont vous êtes le secrétaire.
Cependant il est fort probable que le curseur “finalité” passe tout à gauche pour les 3 premiers (si on reprend l’image précédente) et se rapproche de la droite pour ces derniers.
Dans la liste des critères, certains pourraient vouloir en rajouter comme “correspond à ma philosophie de vie” ou “est une belle référence pour mon portfolio” en leur donnant une importance plus ou moins grande dans la ré-évaluation de vos tarifs.
Vous commencez alors doucement à vous dire qu’en fait si vous vous éclatez sur un projet qui vous tient à cœur pour une association que vous défendez et qu’en plus ça vous fait une belle référence, vous pouvez bien le faire gratuitement ! C’est votre choix, rien à redire là-dessus, c’est une très bonne idée, vous devriez le faire… vous aussi vous commencez à envisager de facturer à la tête de votre client ? :p
Et vous, comment faites-vous ?
Une histoire qui finit bien ! Enfin je l’espère.
Si vous avez toujours pour image de moi celle d’un charlatan, je suis disposé à en discuter, car mes clients n’ont pas cette impression. Au contraire l’accompagnement et la transparence que je propose les rassure et les fidélise.
Définir des critères pour évaluer le risque d’un projet n’est pas seulement bon pour trouver un équilibre entre pénibilité et rentabilité, il est également bon pour l’ensemble de vos projets et pour vos clients puisqu’il vous arrivera un jour de ne pas accepter un contrat pour éviter les dommages collatéraux, dommages qui peuvent fortement nuire à vos projets en cours.
Évaluer chaque projet est donc une méthode saine, même si vous n’avez pas (encore ?) l’intention de faire varier votre tarif.
Et vous, comment faites-vous ?
Très bon article et tellement vrai ! En plus j’ai découvert les neurones miroirs ^^
En ce qui me concerne le calcul intègre aussi une sorte de ratio qualité/bénéfice. J’entends par là que chaque chose de la vie (même se laver les mains) peut-être faite avec plus ou moins de « densité ». Ce qui ne veut pas dire qu’un petit budget aura un travail bâclé, mais peut-être un peu moins approfondi.
Bel article, après il n’est pas si simple de de modifier son taux horaire. Si votre profil est sur les réseau comme hopwork, votre taux horaire doit être fixe.
Par contre on va jouer sur les délais de chacune des tâche, notamment les tâche pénible.
Le plus compliqué est de justifier dans une case « gestion de projet » ou « relation client ». Ce temps est souvent minimisé par rapport à la réalité de certain clients. Pour un projet de 7 jours, mettre 0.5 jour, OK, mettre 2 jours, ca commence à faire beaucoup et pourtant c’est le temps que j’ai passé réellement.
Inintéressant, bourré de fautes d’orthographe.
Très intéressant commentaire d’une personne qui s’assume pleinement. Bisou ;p
Moi je veux bien qu’on considère ça Inintéressant, mais … pourquoi ?
Excellent article, comme toujours.
En ce qui me concerne, les paramètres qui rentrent en compte dans ma structure sont :
– la disponibilité,
– la complexité à traiter avec le client,
– sa notoriété (+ la notoriété que le projet va lui apporter)
– et d’une moindre mesure, l’éthique du projet. (pour l’éthique, je ne bosserai pas pour total, la NRA, ou Monsanto).
Au début j’étais très réticent à augmenter un tarif de par la pénibilité du projet … ou du client; cependant en 4 ans j’ai compris que c’était nécessaire pour que je puisse travailler correctement. Évidemment, il ne s’agit pas là de surfacturer de manière inconsidérée, mais bien d’appliquer un léger taux sur la facturation. Ce que je trouve formidable avec cette technique c’est qu’elle permet d’équilibrer les prix et de pouvoir (dans une certaine mesure) baisser les prix pour les projets « coups de coeur ».