Les licences de « libre diffusion », et encore plus particulièrement les licences comme Creative Commons sont connues comme alternatives légères au Copyright. Ce dernier n’a d’ailleurs pas d’existence légale en France (pour ne nous intéresser qu’à notre petit pays).
La CC (Creative Commons) propose plusieurs variantes mais est hélas très incomprise (parfois volontairement ;-)) et souvent interprétée comme la possibilité d’utiliser librement le travail d’un auteur. Voyons cela de plus près.
Les différentes variantes de la Creative Commons
Passons au sujet que je souhaite aborder.
Toutes les licences Creative Commons ne sont pas des licences dites de libre diffusion (LLD).
La CC propose 6 licences différentes composées des obligations suivantes :
- BY : vous devez citer l’auteur de l’œuvre
- ND : les modifications de l’œuvre ne sont pas autorisées
- NC : vous ne pouvez pas faire d’utilisation commerciale de l’œuvre
- SA : vous devez partager l’œuvre sous les mêmes conditions
La licence CC0 permet de se rapprocher au maximum d’une LLD : CC0
La licence BY-NC-SA
C’est, d’après ma propre analyse, la licence qui revient le plus souvent, avec la BY-NC, lorsque une licence Creative Commons est choisie.
Celle-ci autorise la rediffusion de l’œuvre originale sous conditions de citer l’auteur, de diffuser la nouvelle œuvre sous la même licence, et de ne pas en faire d’utilisation commerciale. Par contre l’œuvre originale peut subir une adaptation.
Cela semble clair ainsi, mais quand on regarde de plus près :
Comment fait-on pour citer l’auteur ?
Comment partager à l’identique une œuvre ?
Qu’est-ce qu’une utilisation commerciale d’une œuvre ?
Des questions que je me suis posées de nombreuses fois également. Voici les réponses (partielles) que j’ai pu trouver.
Citer l’auteur d’une œuvre
Sur Internet, il est très facile de « voler » une œuvre, la rediffuser et oublier l’auteur originel. C’est d’autant plus vrai avec les réseaux sociaux qui proposent une diffusion accélérée et une vulgarisation de l’information durant laquelle, bien souvent, les gens oublient de mentionner l’auteur originel.
Soit, mais comment citer l’auteur d’une œuvre ?
Dans le meilleur des mondes, l’auteur vous suggère le moyen de le citer. Oui auteurs, en plus de choisir une licence selon vos besoins vous êtes en droit d’imposer (ou suggérer) une manière d’être cités ! Pour celui qui souhaite bien faire en empruntant votre création, c’est très pratique. N’oubliez pas, c’est de votre œuvre dont il s’agit !
Dans le vrai monde, l’auteur reste souvent assez flou sur la manière d’être cité, parfois même sur son nom (il utilise uniquement son prénom, ou un pseudo). Dans ce cas cherchez un moyen de le contacter afin d’obtenir son avis et peut-être l’inviter à préciser une manière d’être cité à côté de son œuvre.
En somme : adoptez un comportement cohérent et respectueux, et ne vous dites pas « puisque je ne vois pas comment citer l’auteur, je ne le cite pas, fuck ! »
Citer le lieu où trouver l’œuvre (URL par exemple), n’est pas citer l’auteur ! 😉
L’utilisation commerciale d’une œuvre
Une utilisation (ou exploitation) commerciale d’une œuvre pourrait se définir comme ceci : « toute activité mettant en valeur l’œuvre pour en tirer profit ».
C’est triste, mais beaucoup de personnes qui reprennent une œuvre en font une utilisation commerciale sans s’en rendre compte.
Quelques exemples d’utilisation commerciale :
- Afficher une image (œuvre) sur son site professionnel
- Afficher une image (œuvre) sur un site perso qui possède des publicités rémunératrices
- Diffuser le contenu d’un article (œuvre) sur un site qui fait du profit par l’intermédiaire d’une régie publicitaire
- Diffuser le contenu d’un article (œuvre) sur un blog lié à un portfolio de designer/agence web/blog professionnel
- Vendre directement un contenu (image, idée, photographie, etc.) qui ne vous appartient pas
Si vous avez d’autres exemples d’une exploitation commerciale indirecte de l’œuvre je suis preneur.
Le partage à l’identique
Ce partage permet d’assurer à l’auteur originel d’une œuvre un certain respect de la même philosophie de partage. Enfin, c’est comme cela que je le vois.
Pour partager une œuvre à l’identique, il suffit de diffuser la nouvelle œuvre (si la modification est autorisée) avec la même licence que l’œuvre originel.
Cas concrets
Prenons deux cas concrets de non respect d’une licence afin d’illustrer mes propos.
- L’article de Joël Bauer (@Jojaba) sur les Microformats 2 proposé à la communauté Alsacréations a été repris par le JDN.
Cette reprise fait l’objet d’une exploitation commerciale, d’une modification de l’article originel, il y a confusion sur l’auteur si la fin de l’article n’est pas lue («Auteur "Rédaction"») et le partage à l’identique est inexistant (© en bas de page), même si le JDN rappel la licence de l’article originel en fin de copie. (et je ne parle même pas du lien canonique du code source, m’enfin là c’est le JDN qui se punit tout seul) - L’article de Raphaël Goetter proposant une introduction au Web mobile proposé à la communauté Alsacréations a été repris par la société MontSerrat Communication.
Cette reprise ne respecte pas le partage à l’identique puisque l’Agence « Interdit d’emprunter ces contenus et notamment les reproduire » (hum !), ne cite pas l’auteur originel (qui est « admin ») et en fait une exploitation commerciale (c’est un blog professionnel).
Voilà pour ces deux cas précis, mais regardons ce qu’Alsacréations propose comme licence : la page À propos mentionne une licence BY-NC-SA qui est acceptée par les auteurs du site.
Le JDN et l’agence Montserrat Communication font, sans autorisation expresse des auteurs, une exploitation illégale des œuvres originelles.
C’est ensuite aux auteurs de faire valoir leurs droits (parfois simplement en demandant le retrait de l’œuvre), mais les faits sont là.
Bien d’autres licences
De nombreuses licences « libres » existent et seront peut-être plus adaptées à votre cas, ou votre (vos) œuvre(s). Pour cela je vous invite à regarder du côté des LLD sur Wikipédia.
Parmi les licences libres les plus originales, on retrouve la WTF Public License, qui malgré le ton humoristique possède une existence légale.
Mais de manière générale, n’oubliez pas que le droit Français en matière de droit d’auteur dit une chose très simple : tout ce qui n’est pas autorisé par l’auteur est interdit.
Même si vous ne savez pas quelle licence correspond le mieux à votre œuvre, vous restez son auteur et vous êtes protégé.
Voilà pour ce petit article un peu en décalage de la thématique habituelle.
J’espère que vous n’y trouverez pas trop d’erreurs, l’heure d’écriture est un peu tardive.
Très intéressant !
Petite question toute conne qui me gène :
Si un article a BY-NC-SA, que quelqu’un modifie cet article et le publie sur un blog en citant l’auteur et avec les mêmes restrictions de partage, et qu’une troisième personne reprend l’article modifié, elle devrai cité l’auteur original ou l’auteur de la version modifié ? Oo
Hello,
Excellente question Romain.
Dans l’absolu, citer tous les auteurs serait l’idéal pour éviter le jeu de piste. Mais puisque chacun des auteurs devrait avoir cité l’auteur précédent, la traçabilité reste possible.
Du coup est-ce qu’il faut plutôt citer l’auteur originel ou original ? Je ne saurais répondre à cette question.
Je pense qu’il faut faire appel au bon sens de chacun 🙂
Malheureusement comme tu le dit plus haut il n’y a pas de reconnaissance légale de ces licences en France. Donc en cas de vol de contenu il est important de toujours avoir une preuve qu’on est bien l’auteur du contenu « volé ». En cas de préjudice réel ça permettra peut-être d’obtenir une compensation, dans la mesure où le voleur se trouve dans un pays qui respecte les droits d’auteurs.
Seulement, quid de ces exemples : si un site reprend un article sans respecter l’immense effort de citer l’auteur, etc. hormis s’offusquer et espérer que l’auteur écoute, comment faire pour faire respecter ces licences ?
Je pense que l’on peut en cas de non réponse après un certain temps se tourner vers l’hébergeur que cela en mutu ou du dédié dans certains cas.
Mais c’est je pense que aller plus loin serait couteux et souvent une perte de temps qui souffrirai dans certains cas de l’effet Barbara Streisand.
@Olivier : en fait le droit Français te permet de choisir la manière dont tu souhaites que ton œuvre soit diffusée. Si tu choisis l’utilisation d’une LLD, c’est que tu t’orientes déjà à une diffusion plutôt « libérée ».
Quoi qu’il en soit, s’il te prend l’envie de faire retirer ton œuvre de n’importe quel endroit parce que ça ne te convient pas, c’est aussi dans ton droit. (sauf si l’œuvre est utilisée à titre personnelle)
@Nico @Olivier @idsquare : se pose ensuite le problème de faire respecter ses droits.
Il faut d’abord se poser la question du préjudice subit.
Ensuite de la manière d’intervenir auprès du violeur (désolé mais c’est ça, non ?), souvent il n’a simplement pas conscience de son acte, et un simple contact peut suffire à lui faire retirer le contenu, ou à citer réellement l’auteur en bonne et due forme.
Si cela ne suffit pas, il faut être en mesure de prouver qu’on est bien l’auteur d’une œuvre et surtout que cette preuve soit une preuve de l’antériorité du droit d’auteur. Mais seulement au cas où la qualité d’auteur de l’œuvre vous serait discutée.
C’est un peu délicat de ce côté, je préfère vous renvoyer sur quelques bons articles :
Merci pour votre lecture et vos réactions 🙂
@Nico en général si tu leur demandes de le retirer, en leur précisant la licence, ce que ça implique, ils le font. Montserrat par exemple avait aussi « copié » (en fait ils scrappent les flux RSS) un article à moi, je leur ai demandé de le retirer, ça a été fait dans la journée. Un autre copieur a changé son copyright pour être conforme à la licence et a cité l’auteur. Pour lui, scrapper des flux RSS n’était pas de la copie (bah voyons!). C’est aussi une possibilité je pense. Les licences sont assez floues comme le dit Geoffrey.
Et qu’en est-il des codes ? Par exemple, quand j’utilise le code que tu donnes dans un de tes articles (« revenir au top » par exemple). Très souvent, je site l’auteur, et donne le lien en commentaire dans mon code avec « un très grand merci à », mais est-ce la bonne solution ?
Les LLD sont respectées ou il faut que je le fasse sur le site ? Autant sur mon site, cela ne me dérange pas, autant sur un site pour un tiers, c’est plus gênant.
Ça fait un moment que je me demande si je ne mettrai pas mon site en WTFPL, mais on a tous notre petit égo 😉
@Sans Pseudo Fix : C’est une question qui revient souvent, la nuance se trouve dans ce que tu fais du code et la manière dont tu l’estimes.
C’est un peu comme écrire un article qui liste un certain nombre de ressources du web, ton article est-il alors considéré comme une création originale ou juste un travail d’indexation ?
Ton code n’est-il pas issu d’un bête travail d’exécutant et de reproduction de techniques ?
Pour moi la réponse est clairement non.
Dans la création d’un morceau de code il y a intervention d’une réflexion, de ton intellect et parfois même d’un côté créatif. Pour moi le code est autant une œuvre qu’un morceau de ton écran rempli de pixels colorés.
Il est donc normal de citer l’auteur là ou le code peut-être lu 🙂
Mais c’est ma manière de faire, et je te remercie de faire cela également.
Merci pour la mise au point utile. Voir aussi sur le sujet la page de la SACEM sur son expérience pilote d’utilisation des licences Creative Commons par ses auteurs.
http://www.sacem.fr/cms/home/createurs-editeurs/creative-commons/experience-pilote-sacem-creative-commons
Lire aussi la FAQ. En gros, la société reprend la main en cas d’utilisation commerciale et perçoit les droits de son auteur. Ce système est peut-être judicieux dans la mesure où, même si la plupart des utilisateurs sont honnêtes et enclins à entendre raison quand on les contacte, dans certains cas un individu seul aura bien du mal à faire respecter ses droits.
Bien sûr il s’agit de musique et ce billet concerne plutôt l’écrit et le design mais on parle bien des licences CC.
PS: un truc bizarre avec le blog, la CSS ne charge pas dans mon Safari et il m’affiche une page non mise. Aucun problème dans Firefox.
Page non mise (en page), bien sûr 🙂
OK. En attente. Je ne le voyais plus. Pour la CSS inopérante, j’ai trouvé. Il s’agit d’une extension Safari qui bloque, reste à trouver laquelle. J’ai tout désactivé et la mise en page est normale. Supprimer les commentaires inutiles quand même, comme le précédent, voir celui-ci ?
Hello Jean,
Je n’aime pas supprimer les commentaires en général, même s’ils soulèvent un problème temporaire 🙂
Effectivement j’ai déjà entendu parler de problème sous Safari, dans le même genre, mais personne n’avait encore pointé un problème dû à une extension.
Sinon pour ton intervention concernant la SACEM, c’est dans le sujet, et je te remercie pour le complément d’informations ! 😉
Bonne soirée.
Pour info, l’extension coupable est “No FancyBox” que j’ai désinstallée.
« Dans la création d’un morceau de code il y a intervention d’une réflexion, de ton intellect et parfois même d’un côté créatif. »
C’est parfois un travail de funambule 😀
J’ai récemment repris la structure d’une transition de pages en CSS3 par tympanus. Même si j’ai changé beaucoup de chose, on voit clairement que c’est la même structure. Autant ça me déplait de « pomper » leur travail, autant je n’aurais jamais été capable d’en faire autant.
Après, ce site fournit des ressources qui peuvent être copiées (voir la licence), mais j’avoue me sentir « fraudeur » à simplement mettre un « je vous aime tympanus, merci » dans mon code 🙂
Les auteurs qui partagent ce type de ressources le font pour aider (de différentes manières).
Tu l’utilises, tu le modifies, c’est normal, c’est fait pour ça 🙂
Ah encore un article super intéressant !
Effectivement les licenses et conditions de partage ont souvent du mal à être respectées. Pour l’utilisateur lambda, dès l’instant qu’il a la possibilité de copier/coller, il s’imagine qu’il a tout à fait le droit de récupérer un contenu.
Personnellement, je ne cite pas les auteurs des codes fournis gracieusement que je trouve sur la toile parce que je les réutilise rarement tout fait. Je les adapte en fonction de mes besoins et les modifie comme il me plait, en les mélangeant ou les couplant avec d’autres bref, je fais ma propre sauce. Du coup je ne trouve pas très judicieux de citer les auteurs des codes originaux, surtout quand il s’agit de seulement quelques lignes de code. Je vais être plus amené à faire ça s’il s’agit d’un plugin ou d’un framework par exemple, d’un truc relativement travaillé qui est suffisamment conséquent pour refléter l’identité de l’auteur.
@geoffrey: je suis d’accord l’utilisation commerciale est un vrai problème, il y a très peu de pédagogie sur le sujet d’ailleurs. Très bonne synthèse donc.
Le cadre juridique est presque inexistant ou tellement flou qu’il ne protège que très très modestement l’auteur sur Internet.
Pour autant, il y a tout de même des moyens de protéger son travail.
@Ilycite : je ne crois pas que l’on parle des blogs qui partagent des bouts de code dont peut-être eux-mêmes n’ont pas la paternité.
C’est vrai qu’il y a également des morceaux de code sur le Web qui sont là pour être partagés massivement, souvent là comme « astuce technique » plutôt que création originale. Mais dans certains snippets la nuance est parfois délicate.
C’est à vous de peser l’utilité de cité l’auteur, ou au moins vos sources. Personnellement je le fais presque systématiquement, même pour une simple ligne dans ma CSS. D’un autre côté ça fait office de mémo 🙂
Tu prends WordPress par exemple c’est parfois difficile de retrouver l’auteur original d’un code qui a transité sur une centaine de sites (au moins). S’ajoute que pas mal dérivent directement ou presque du codex et donc ont de grande de chances de se ressembler.
Tout cela pour dire qu’il est compliqué pour l’auteur qui se sentirait lésé d’obtenir gain de cause et que je ne crois pas à l’interdiction ni à la menace. Comme tu le disais, spécifier déjà soi-même la manière dont on veut que ses contenus soient partagés ou non. En appeler au côté positif des lecteurs.
Ce n’est qu’un modeste avis mais je trouve les messages négatifs que certains blogs affichent, du style « fais-gaffe mon pote, si tu copies je vais te retrouver », c’est contre-productif.
Petite précision de terminologie juridique pour répondre à ta question implicite Geoffrey : on ne parle pas de violeur (faut pas abuser quand même !!) en cas de violation du droit d’auteur, mais d' »auteur de la contrefaçon ».
Merci Sarah 🙂
Effectivement c’était une question implicite et un jeu de mots.
Le droit et sa terminologie, il viole un droit et n’est pas violeur, mais devient auteur… Marrant tout de même.
@Julien : menacer c’est assez moyen en effet 😛