Encore une entorse à mes habitudes de publication avec cet article qui porte sur un sujet bien connu de notre profession : les maquettes gratuites. Cette forme de travail non rémunéré ou rémunéré sous condition est devenue pratique courante. Mais où est la limite légale du travail non rémunéré ?

Cet article traite des maquettes gratuites car c’est souvent ce qui nous est demandé en début de projet. Mais il m’arrive également d’avoir des demandes d’audit complet d’un site web, du code source d’un site, etc.

Revenons un peu sur cette histoire de maquette gratuite et essayons de distinguer les types de demandes : toutes ne se valent pas.

Il en existe principalement de deux sortes, les concours et les appels d’offre.
Le problème initial semble venir de l’amalgame des deux termes et de pratiques ressemblantes pour les deux cas.

NB. cet article a été rédigé en 2012 et ne devait finalement pas être publié. Il l’est en soutient à la lettre ouverte TravailGratuit.com

L’AFD et la ministre Fleur Pellerin, d’un travail commun, ont permis l’écriture d’une circulaire. Vous trouverez plus d’informations sur Maquette gratuite et Marché Public, c’est fini.

Le concours

L’idée du concours est, sous des conditions bien précises, de permettre à un grand nombre de personnes de participer à une confrontation (au sens large) entre personnes ou équipes inconnues dans le but de faire jaillir de nouvelles idées. Ces conditions bien précises sont formulées sous la forme d’un règlement qui doit permettre à tous les participants d’avoir les mêmes chances de victoire.
Ce règlement est déposé auprès d’un huissier de justice.

Le concours est donc quelque chose qui est long à mettre en place et couteux pour l’organisateur qui doit se plier à des contraintes organisationnelles et règlementaires :

  • Définition du concours (enjeux, finalité, idées)
  • Constitution d’un jury
  • Annonce et règlementation du concours
  • Constitution des lots à gagner (souvent en corrélation avec le travail fourni)
  • Rétribution de l’auteur en cas d’exploitation de son œuvre (le lot gagné n’est pas une rétribution)

Pour résumer, le concours a pour but la mise en concurrence d’idées.

L’appel d’offres

L’appel d’offres est un appel public dans le but de mettre en concurrence des professionnelles en vue d’une dépense publique. Autrement dit, avant de dépenser l’argent du contribuable, un organisme public est en droit de mettre en concurrence un certain nombre de professionnels afin de comparer les offres. L’idée étant de dépenser cet argent correctement en recherchant un prestataire de qualité.
C’est aussi pour cela que l’organisme est « invité » à ne pas conclure systématiquement ses contrats avec le même prestataire.

Comme le concours, l’appel d’offres est long à mettre en place est doit respecter un certain nombre de règles et contraintes organisationnelles :

  • Le commanditaire doit être soumis au Code des marchés publics
  • Le commanditaire doit définir le besoin (cahier des charges)
  • Le marché doit correspondre à une dépense supérieure à 15000 € HT (anciennement 4000€ mais la somme a été revue)
  • Il doit constituer une liste de professionnels à contacter
  • Il doit définir la limite des offres et les critères exacts de sélection (compétences, budget, délai, etc.)
  • Il doit définir un forfait pour la rétribution de tous participants si une demande de prestation est demandée avec le devis
  • Il doit constituer un groupe de décideurs

Pour résumer, l’appel d’offres est une mise en concurrence pour dépenser l’argent public correctement.

Reprenons…

Le concours n’est donc pas une méthode pour obtenir et exploiter des créations gratuites. Une fois le concours terminé, les participants récompensés et les idées présentées, il convient de retourner à la vie réelle : en cas d’exploitation d’une de ces idées par l’organisme organisateur du concours, celui-ci se doit de rémunérer l’auteur en conséquence.

L’appel d’offres n’est pas toujours justifié puisqu’il arrive très souvent que des organismes privés profitent de ce système pour récolter des offres de professionnels qui se sont laissés berner. Il s’agit alors d’un appel à projets qui incite au travail non rémunéré.
Pour rappel, un professionnel qui souhaite accorder un tant soit peu de crédit à son travail ne devrait jamais travailler gratuitement pour un autre professionnel (sauf cas très particulier).

Ce qui suit n’engage que moi, voilà comment je vois les choses :

  • un professionnel qui répond à une demande de maquette gratuite n’accorde aucun crédit à son propre travail
  • une agence qui vous demande une maquette gratuite pourra vous demander d’autres petites choses gratuitement
  • on est en droit de se dire qu’une agence qui demande une maquette gratuite va rechigner à vous payer (pour la suite)
  • les choses se savent, surtout lorsque ces appels à projets sont diffusés massivement. Répondez positivement à l’un d’eux, « remportez » l’appel, une fois terminé mettez ce projet dans vos références. Les autres professionnels ayant reçu l’appel sauront que vous avez bossé gratuitement. La tentation de reproduire le schéma est grande comment vendrez-vous un jour une maquette ?
  • répondre à ce type de demande sans contrat (puisque c’est souvent demandé avec le devis, donc devis pas encore accepté) c’est le risque de ne plus jamais avoir de nouvelle de votre maquette qui sera probablement réutilisée pour autre chose. (voire revendue)

Julien Moya a écrit un très bon article sur le sujet pour les Graphisteries.

Demande type = réponse type

Un certain nombre de demandes de collaboration prennent la forme de ce type d’appel à projets sauvage (je parle toujours de ceux qui ne sont pas régis par le Code des Marchés Publics). Cette technique a même tendance à devenir monnaie courante et être soutenu par notre gouvernement avec des demandes qui ont toujours la même forme et qui parfois sont accompagnées de « rémunération selon expérience », comme si vous n’étiez pas assez grands pour fixer vos prix par vous-mêmes. (un bon article de Christophe Andrieu sur les choses à ne pas faire)

À ces demandes types qui parfois ne présentent même pas le projet pour lequel vous « devez » maquetter, je vous propose une réponse type simple mais qui à le mérite d’être claire.

Bonjour M(me) XXXXXXX,

Merci pour votre contact et votre demande de collaboration.

Avant de pouvoir travailler sur une identité graphique, quelle qu’elle soit, la prise connaissance de votre cible, de votre univers et des contenus qui seront publiés à travers votre site Web m’est indispensable.

Ayant pour habitude de contractualiser mes collaborations, j’éprouve quelques difficultés à comprendre comment je peux vous fournir une maquette en même temps qu’une proposition de devis/chiffrage qui devrait servir de contrat.
Cela sous-entendrait-il que vous m’incitez à travailler gratuitement ? Mais peut-être avez-vous prévu de rémunérer tous les participants, auquel cas n’hésitez pas à me transmettre la somme de la rétribution proposée à chaque candidat.
Si ce n’est pas le cas, n’ayant aucune connaissance en matière de droit sur le travail non-rémunéré je me vois dans l’obligation de refuser votre demande afin d’éviter de nous mettre tous les deux en porte-à-faux avec la loi.

La réalisation d’une maquette graphique doit répondre à un cahier des charges précis pour correspondre au mieux à vos besoins. Contrairement, peut-être, à d’autres agences ou freelances qui répondent à ce type de demande, je ne dispose pas d’une réserve de maquettes que je recycle sans même connaître les tenants et aboutissants de votre projet.

Si votre demande vient du besoin de connaître les compétences d’un professionnel, visitez simplement son portfolio ou demandez lui quelques visuels de ses derniers projets. (certains bons professionnels n’ont pas le temps de mettre à jour leur portfolio)
À ce propos voici le mien : [URL de votre portfolio, page références].

Je reste bien entendu à votre entière disposition si vous souhaitez avancer dans une collaboration fructueuse.
Très bonne journée,
[nom prénom signature]

Essayons de conclure

Je ne dis pas que toutes ces demandes se valent. Parfois il s’agit simplement d’une réplique déjà vue ailleurs : « pourquoi ne ferions-nous pas également un appel à projets pour avoir plein de propositions gratuites » ! Puis en discutant avec le prospect, certains comprennent, des projets se concrétisent et grandissent, des collaborations perdurent.

Travaillez gratuitement si le don de votre travail vous permet de défendre une cause ou une idée qui vous tient à cœur (pour une association, votre famille, etc.) et non à la promesse d’une rétribution potentielle.

Une petite vidéo pour la route :

Et vous, vous réagissez comment à ce type de demande ?

NB. cet article a été rédigé en 2012 et ne devait finalement pas être publié. Il l’est en soutient à la lettre ouverte TravailGratuit.com

L’AFD et la ministre Fleur Pellerin, d’un travail commun, ont permis l’écriture d’une circulaire. Vous trouverez plus d’informations sur Maquette gratuite et Marché Public, c’est fini.