Cela fait des années qu’on en discute entre professionnels, ou parfois avec nos commanditaires lorsqu’il s’agit de prêcher la bonne parole. J’en avais d’ailleurs parlé dans l’article « Maquettes gratuites non rémunérées« . Aujourd’hui, c’est une circulaire relative aux règles et bonnes pratiques en matière de Marchés Publics de design qui tranche dans le vif.
Message de l’AFD
Ce matin, ma consœur Christine m’a fait suivre un mail de l’AFD plutôt intéressant, que je place tout simplement ici.
La circulaire MCCD1514254C relative aux règles et bonnes pratiques en matière de design a été signée le 10 juillet par la ministre de la Culture et de la Communication Fleur Pellerin. Il s’agit d’une démarche exemplaire de coopération où l’AFD a été consultée pour la validation de principes éthiques respectueux de la profession de designer, notamment le fait que « dès lors qu’un travail d’étude et de conception a été engagé (esquisses, avant-projets sommaires), les candidats doivent être rémunérés en considération du travail effectué. » C’est une victoire pour la reconnaissance du travail des designers et « c’est également l’intérêt du commanditaire qui est en jeu » (point 3 de la circulaire).
Rappel des démarches effectuées par l’AFD
L’AFD adresse depuis toujours, aux ministères de la Culture (DGCA) et à celui de l’Industrie (DGCIS) des messages quant au respect des règles de bonnes pratiques dans le cadre des marchés publics de design. Une Charte AFD des marchés publics de design à été publiée fin 2011. Le message a été entendu début 2012.Nous avons pu voir et apprécier les effets positifs sur des appels d’offres, comme celui de la Société du Grand Paris en octobre 2014.
Le travail mené par ces ministères et l’AFD est long mais il porte ses fruits. Un document exemplaire a été produit en 2014 à l’initiative de la ministre Aurélie Filippetti dans le cadre de sa politique de design annoncée en janvier 2014 : le guide “La commande de design graphique” en coopération avec l’AFD. La diffusion d’une circulaire relative aux règles et bonnes pratiques en matière de marchés publics de design y était aussi annoncée.
Cependant, malgré tous les efforts d’information, les bonnes pratiques ont du mal à imprégner la réalité des OMP de design. Des exemples des mauvaises pratiques que nous décrions depuis des années, existent toujours, tels que les blacklistés Prix Jean-Prouvé, le mobilier scolaire de demain ou ceux du Centre Pompidou et du Théâtre national de l’opéra-comique.
Le ministère de la Culture a souhaité consulter l’AFD à propos d’une circulaire de Mme la ministre de la Culture sur le rappel des règles et le respect des bonnes pratiques dans les marchés publics de design. L’AFD a émis un avis sur une première ébauche reçue le 17 décembre 2014, puis a validé une version finalisée le 4 mars 2015. La voici publiée le 10 juillet 2015.
Au nom de la profession des designers, l’AFD remercie chaleureusement la ministre Fleur Pellerin et toutes les personnes de ses services qui ont œuvré à la conception et à la publication de ce document.
Les règles du jeu sont maintenant explicites. Les interprétations litigieuses du fameux article 49 du CMP n’ont plus lieu d’exister. Aux designers maintenant de s’emparer de cette circulaire et de la diffuser à bon escient.
— L ‘Alliance Française des Designers
Vous pouvez librement partager cette information, notamment auprès de votre commanditaire si l’information ne lui est pas parvenue 😉
La circulaire sur les Marchés Publics de design
Cette circulaire est disponible directement sur le site web Legifrance.
Celle-ci présente un intérêt pour le respect de nos professions, mais également pour le commanditaire. Si je devais extraire certaines phrases clés de cette circulaire, voilà ce que je retiendrais :
Outre l’œuvre réalisée, les études et travaux préparatoire […] relèvent également de la protection au titre du droit d’auteur.
— Article 2.
Vos maquettes graphiques et ébauchent sont protégées, ne l’oubliez pas !
De manière générale, toute réutilisation d’une œuvre doit être explicitement prévue dans le contrat de commande passé avec l’auteur.
— Article I 2.1
Ce qui n’est pas prévu dans le contrat n’est pas autorisé, par défaut ! Cette information vaut quelle que soit la modification ou l’utilisation faite de l’œuvre.
Le contrat de commande n’entraîne donc pas à lui seul de cession automatique des droits.
— Article I 2.2
Cela revient au point précédent : toute cession de droit doit être explicitée dans le contrat, et négociée avec l’auteur.
Le commanditaire doit par ailleurs s’engager à rédiger des marchés prévoyant toutes les conditions relatives à l’exploitation des droits d’auteurs.
— Article II 2
C’est bien au commanditaire de prévoir les cas d’utilisation des œuvres, mais rien ne l’empêche de s’entourer de professionnels pour le conseiller. C’est même d’ailleurs recommandé.
[…] les offres accompagnées d’échantillons, de maquettes […] impliquant un investissement significatif pour les candidats donnent lieu au versement d’une prime.
— Article II 3
C’est prévu, et c’est normal. La création d’échantillons et de maquettes peut parfois prendre plus d’une semaine, notamment lorsque le travail est bien fait. Je connais peu de métiers qui proposent un travail gratuit pendant une semaine…
[…] les participants au concours sont indemnisés selon des modalités prévues dans le règlement de concours.
— Article II 3
La forme du concours ne déroge pas à la règle : une participation d’un candidat à un concours doit être rémunérée.
Plus d’informations
La circulaire met à disposition un certain nombre de documents et références qui permettent au commanditaire de faire les choses dans les règles de l’art. Voici une petite liste de ces ressources :
- Marchés à procédures adaptées (Article 28 CMP)
- Marchés publics et droit de la propriété intellectuelle – APIE
- Direction des affaires Juridiques – Les Marchés Publics
- Une information sur l’intranet du Ministère de la Culture et de la communication
- La commande de design graphique (fiche d’information)
- La Charte AFD des marchés publics de design
- AWS France, Plateforme d’appel d’offres
- E-MarchesPublics.com, Plateforme d’appel d’offres
Voilà, personne ne peut désormais prétendre ne plus être au courant, et si c’est le cas, renvoyez sur cet article ou sur la circulaire.
Hello 🙂
C’est évidemment une excellente nouvelle, mais vu l’entête de la circulaire je me demande si les collectivités territoriales et assimilés sont bel et bien concernées au titre de leurs MP de prestations de design web/print…
J’ai posé la question un peu partout.. À suivre donc.
Re,
Renseignement pris auprès de l’AFD ce sont bien TOUS les MP/AO comprenant une prestation de design quelle qu’elle soit qui sont concernés
\o/
Cela me semblait cohérent, mais ta question n’était vraiment pas de trop. On ne sait jamais avec ce genre d’imprécision.
Merci beaucoup d’avoir pris le temps de formuler une demande auprès de l’AFD, comme ça c’est sûr, désormais 🙂
Super nouvelle, je partage à mes contacts ! 🙂
Peut-être que cela peut être étendu à toute stratégie proposée à un client (qui nécessite bien sûr un travail de conception) ? donc pas uniquement dans le cadre d’un ébauche/travail graphique.
Je trouve ça très bien pour les graphistes et designers.
Pour autant, la phrase « Je connais peu de métiers qui proposent un travail gratuit pendant une semaine… » me fait tiquer.
Il en existe plein.
Pour passer des marchés publics concernant des SI avec des CCTP important, le travail demandé auprès des prestas pour répondre au marché est important lui aussi et pouvant dépasser facilement une semaine. Ce travail d’étude et d’analyse nécessaire à « la proposition commerciale » n’est jamais rémunéré.
En général le presta retenu, va impacter le temps d’analyse projet pour prendre en compte ce temps passé. Mais pour les prestataires retenus ce n’est pas le cas. Ce sont les marges sur les projets qu’ils décrocheront qui leur permettront de financer ce travail « d’analyse commercial »
Hello,
C’est exactement le problème énoncé par cette circulaire. Pourquoi est-ce que celle-ci ne s’appliquerait à ce domaine de marché ?
Nous sommes obligés de « ruser » également et de répercuter le coût de la phase d’analyse et de réflexion dans les projets remportés. Mais de manière générale, il est plus sage de systématiquement refuser ce mode de fonctionnement, en tout cas lorsque la clientèle restante le permet.
Tous les domaines professionnels ne permettent hélas pas ce genre de comportement « de sélection » des prospects.
Il n’empêche que ça reste « peu de métiers », qui n’a pas la même signification que « pas de métier ». Il y en a.
Bonne journée.
Je continue de voir des appels d’offres qui demandent un échantillon sans pour autant parler de rémunération en échange. On est supposés faire quoi dans ses cas là ? Répondre à l’appel et envoyer une facture ou laisser couler en croisant les doigts pour des jours meilleurs ?
Si quelqu’un a une expérience ou un conseil à partager sur le sujet je suis preneur.
Hello,
C’est une situation qui est très personnelle et délicate. Dans l’idéal il faudrait toujours tenter d’expliquer à ton contact qu’il demander un travail de quelques jours gratuitement. Au moins pour espérer une prise de conscience. Sans cette étape, cela ne sert à rien d’attendre des jours meilleurs. Il faut les provoquer ces jours meilleurs, et pour cela il faut également faire un travail d’éducation.
Ensuite, faire le taf quand même ou pas, ça dépend de l’état de ta prospection, c’est en ça que c’est personnel. Si tu es dans une phase « creuse », rien ne t’empêche de proposer quelque chose, tout en éduquant le prospect, tout en lui demandant de bien vouloir te recontacter s’il compte utiliser tout ou partie de « ce travail gratuit protégé par le droit d’auteur » pour éviter qu’il se mette seul en porte-à-faux avec la loi.
Enfin… un truc dans ce genre 🙂
Personnellement je refuse et j’éduque, systématiquement, mais seulement parce que j’ai suffisamment de demandes rémunérées sérieusement à côté.
Good luck!
Je ne sais pas bien si ma réponse est dans la thèse originale, à savoir la circulaire de l’AFD mais je me lance tout de même 😉
Personnellement, si un prospect me demande une maquette préalable pour un petit projet et que la demande m’a séduite, je vais choisir un thème premium déjà bien adapté à la demande du client et le retravailler 2 heures, maximum 3 dans Photoshop pour lui montrer ce que les différents templates pourraient donner. Tout ça accompagné de beaucoup d’explications, en lui mentionnant que tout est personnalisable.
Si c’est un projet qui nécessite beaucoup de développement, je propose d’établir en cahier des charges techniques à prix très abordable, mais pas gratuit. Ça permet d’éliminer les demandes peu sérieuses type : « je spam toutes les agences pour avoir 18 devis gratuits et pour finir, je ne concrétise pas le projet, je fais des gaufres à la place ».
Au-delà de ça, quand j’ai fini mes études en infographie – Web, mon prof de programmation m’a expliqué qu’un ancien élève s’était installé à son compte et fut rentable très rapidement. Sa méthode était de trouver des entreprises qui avaient des sites un peu pourris, de réaliser rapidement une refonte sous forme de maquette, et d’aller les démarcher avec cela en mains. Il a, semble-t-il obtenu un très bon taux d’acquisition de clients avec cette méthode et aujourd’hui, ça tourne tout seul.
Je dirais que si tu crèves de faim et que tu n’as rien d’autre à faire, autant faire cette maquette…
Merci pour l’astuce (le coup de proposer une version améliorée du site lors de la prospection).
Les appels que j’ai vu passer concernaient surtout du print, mais c’est vrai que la méthode d’avoir un template à disposition juste pour répondre aux appels d’offre (que ce soit un thème WP ou une maquette passe-partout pour du print) pourrait éventuellement être un bon compromis. Tu m’as remotivé 🙂
Dites, vous êtes super réactifs les gars, ça fait super plaisir. (je consulte le site de temps en temps et j’avais remarqué les mises à jour régulières des articles mais je n’avais encore jamais commenté)
J’avoue que même si le fait de bosser un peu gratuitement de temps en temps fait malheureusement parfois partie du métier, c’est le genre de truc que je peux accepter par exemple pour une PME qui est dans le rouge et qui me dit qu’elle ne peut pas régler tout de suite. C’est généralement une mauvaise idée mais c’est un risque que je décide parfois de prendre. Là pour le coup c’est des collectivités qui ont un budget, qui en plus ont reçu la consigne de nous payer mais qui décident de ne pas le faire. Et j’ai beaucoup, beaucoup de mal avec ça.
Donc en ce qui me concerne je suis dans une période de disette (de famine même) question projets. Mais je pense que je ne participerai tout de même pas à cet appel (il y a d’autres moyens de trouver du taf que je peux mettre en place, même si ça sera forcément moins lucratif qu’un contrat d’un an)
Surtout que dans l’appel d’offre en question ils ne demandent deux réalisations (une affiche et un dépliant) qui ne correspondent pas au produit qu’il faudra réaliser par la suite. (c’est même pas comme si je commençais à réfléchir sur le projet, même si je suis retenu c’est du boulot pour rien)
Bref merci beaucoup pour vos réponses. Un peu déçu de voir que ce genre de pratique est toujours monnaie courante malgré la circulaire mais les différents commentaires m’ont pas mal éclairé.
Ah mais c’était mon premier commentaire sur ce blog. Je commente très peu d’ailleurs.
J’ai été rameuté depuis Twitter et je ne te raconte pas la galère que j’ai vécue pour poser ma réponse, dû à la présence du mot « spécia (attendez la suite) lisation », qui contient en partie la chaîne de caractères « cia (attendez la suite) lis » (tu connais, la pilule jaune). 😀
Malgré tout, je pense que je participerais un peu plus régulièrement ici et là. Surtout des articles sur WordPress. Le temps des commentaires de blog uniquement motivés par le SEO semble enfin derrière nous, et c’est tant mieux ! On peut enfin discuter.
Pour revenir au problème, je ne te cache pas que je me sens un peu dans le même mood que toi au niveau des métiers de l’infographie. C’est un peu difficile de se faire payer, à moins d’avoir trouvé ses clients de rêve.
Je vis plutôt pas mal depuis 5 ans de mon activité, mais je ne roule pas sur l’or non plus. Chaque trimestre est un nouveau challenge.
Je pense avoir pas mal de cordes à mon arc (technique), je suis hyper transparent avec les clients, réactif, et pas très cher. Malgré tout, c’est un gros combat de maintenir des revenus corrects et constants. Là je me suis expatrié depuis 1 an et demi en Asie, et pendant tout ce temps, mon CA est issu de clients déjà acquis auparavant. Heureusement, ils m’ont donné quelques missions bien rémunérées, ce qui me sauve. Mais bon, 1 an et demi = zéro nouveau client !
Là mon projet actuel et de bloguer un peu et de faire un peu de personnal branding pour avoir un gain de crédibilité numérique. Car apparemment, il ne suffit plus de bien faire son boulot. J’ai l’impression que les clients qui payent pour un service, en plus, payent pour un produit, pour une image.
Je me donne quelques mois pour mettre ne place cette vitrine d’un autre genre.
Après, si ça se bouscule et qu’il faut faire la queue, ou que je me sens suffisamment à l’aise pour revoir mes tarifs, ça sera tant pis pour les clients et tant mieux pour moi 😀 (rêvons un peu)
Dans ton cas, si tu fais beaucoup de 2D, l’idée pourrait être de faire un méga portfolio qui déchire, et pourquoi pas des tutos Photoshop (ou autre) sur le thème du print. Avoir une chaîne YouTube avec des abonnés peut aussi être un gain de crédibilité pour la prospection, et un complément de revenu avec la pub (qui sait).
Allez motivé ! 😉
Bref, je m’emporte un peu et je me rends compte que je pose ça sur un blog technique bien établi et que ça doit bien faire marrer G Crofte 😀
Hello !
Ah ah, désolé pour le blocage spam j’ai un petit script perso qui me permet de bloquer les commentaires avant même l’enregistrement en base de données, il semblerait qu’il soit un peu trop brutasse 😀
Vos échanges sont très intéressants, les retours d’expérience peuvent très souvent être re-motivants pour ceux qui les lisent. Puis il y a de très bons conseils qui en ressortent 🙂
Il y a d’ailleurs sur Creative Juiz des tags Freelance et Conseils qui n’attendent qu’à être enrichis si jamais ça vous dit d’écrire sur vos expériences personnelles 🙂
Bonne continuation à vous !
@Mister-WP
Merci pour la motivation et les idées, on en a bien besoin parfois. C’est vrai que question personnal branding je suis complètement à la rue. (mon site perso est hors ligne depuis des mois et le site du collectif avec lequel je travaille a… quelques bugs que personne n’a vraiment le temps de chasser)
C’est pas facile ce métier quand même… Le truc c’est que la part de production est tellement prépondérante, comparée à d’autres branches, que je joue un peu à pile ou face si le temps qui reste sera alloué à démarcher, soigner mon image, régler mes problèmes administratifs, apprendre de nouveaux outils ou me tenir un peu au courant des tendances et des nouveaux besoins… En général le choix s’impose de lui-même et c’est rarement le plus judicieux…
Mais je crois que je vais suivre ton conseil et essayer de prendre un peu de temps pour améliorer tout ça et repartir du bon pied en 2016.
Bonne chance à toi et à tous les autres 😉
(et désolé si je suis un peu hors sujet moi aussi, j’arrête après ce message, promis… c’est que c’est convivial mine de rien ici)
Thanks, à toi aussi 😉
Salut,
voilà ce qu’une mairie de Provence met dans son appel d’offre (début octobre 2015 pour un ensemble de publications municipales) pour justifier de ne rien avoir à débourser :
Elle commence par rappeler la loi :
« Conformément à l’article 49 du Code des Marchés Publics “Quel que soit le montant du marché, le pouvoir adjudicateur peut exiger que les offres soient accompagnées d’échantillons, de maquettes ou de prototypes concernant l’objet du marché ainsi que d’un devis descriptif et estimatif détaillé comportant toutes indications permettant d’apprécier les propositions de prix. Ce devis n’a pas de valeur contractuelle, sauf disposition contraire insérée dans le marché. Lorsque ces demandes impliquent un investissement significatif pour les candidats, elles donnent lieu au versement d’une prime”. »
Et conclut par une jolie pirouette à la sauce langue de bois :
« Toute maquette fournie sera retournée au prestataire. De ce fait, celui-ci ne peux réclamer une compensation financière. »
C’est pas gagné ! :/
Effectivement :/
La conclusion est vraiment blessante je trouve, comme si sur les quelques jours de travail qu’on leur fournit, au fond le plus cher c’est l’impression du résultat…
Je pense qu’ils interprètent « l’investissement significatif » uniquement financièrement. Sans prendre en compte le travail fourni, ou alors ils se foutent vraiment de nous.